dimanche 2 novembre 2014

Or en cage


L’autre jour, je feuilletais une pile de magazines de cuisine québécois pour trouver l’inspiration et une chose m’a saisi,  entre la salsa à la mangue, le pesto de basilic, l’ananas grillé à la muscade et les crevettes à la noix de coco, il n’y a pas grand-chose de notre terroir qui soit mis en valeur. Ces produits sont bien délicieux et facilement disponibles, mais ne sont pas d’ici.

C’est génial d’avoir accès facilement et à peu de coûts à des produits de partout dans le monde dans nos supermarchés et j’aime bien en profiter, à l’occasion. Je me demande par contre si la place occupée par les produits d’ailleurs empiète sur celle des produits d’ici? Certes, il y a un spécial fraise en juin, bleuets en août et pommes et courges en septembre, on fait un effort pour suivre la saisonnalité et nous bombarder de recettes même dans les circulaires.  Est-ce assez?

On bariole des étiquettes de produits du Québec pour à peu près n’importe quoi cultivé ou transformé ici, pour quelle raison, c’est un peu flou pour moi j’avoue. Je n’ai rien contre, si j’ai le choix, je préfère acheter quelque chose d’ici.  Mais, ce n’est pas une façon de préserver le patrimoine alimentaire, ni un gage de représentation du terroir ou d’une qualité différente?  Je n’y vois qu’une tactique marketing pour se donner bonne conscience et stimuler les ventes. On confond un produit du terroir avec un produit fait ici et c’est là le problème.
Pour moi, la notion de produit du terroir ce n’est pas que d’utiliser des aliments qui poussent ou sont élevés dans une région, c’est beaucoup plus complexe. Par exemple, pour un viticulteur, il n’y a pas que le cépage qui donne son goût au vin,  le sol, les minéraux, la température, l’altitude sont quelques-uns des éléments qui affectent le goût que le raisin va développer et va donner au vin qu’il produira. C’est ça le terroir, c’est ce qui est cultivé ou élevé en conjoncture avec son environnement.

Il y a quelques entreprises qui ont su développer des produits réellement du terroir comme la fromagerie du Pied-de-vent aux Îles de la madeleine dont le fromage a des accents salins, caractéristique obtenue par le fait que les pâturages des vaches qui donnent le lait pour faire le fromage sont bercés par le vent salin de la côte. Autre exemple, l’agneau de Charlevoix qui doit obligatoirement être élevé dans Charlevoix et nourri de céréales et fourrage cultivés dans la même région.

Pourquoi la notion de terroir représente-t-elle trop souvent qu’une idée vague de produit local ou artisanal? Je crois avoir une partie de la réponse : parce qu’on ne connaît plus notre terroir et ce qu’il contient d’unique. La majorité de gens sont familiers avec la mangue, l’avocat, la lime et le litchi, mais pas tellement avec la gadelle,  la baie d’amélanchier, la pimbina et la cerise de terre. Ils peuvent aisément cuisiner le basilic, la coriandre et le romarin, mais n’ont aucune idée quoi faire de la myrique, de la baie de genévrier et du sapin baumier. On ne peut pas les blâmer, les recettes dans les médias ne les utilisent pas et même s’ils sont bien d’ici, ils sont souvent plus difficiles à trouver.

On ne considère plus ce qui est indigène. C’est vrai qu’avec les méthodes d’agriculture à grande échelle et d’élevage avec des moulées commerciales standardisées c’est une idée un peu dépassée ou irréaliste. Peut-être, mais rien n’empêche d’au moins cuisiner et transformer des produits qui proviennent du même environnement, ce serait sûrement un bon début. C’est ce que j’ai envie de faire : goûter ou regoûter les saveurs d’ici.

Commençons par un facile, un peu plus connu, la cerise de terre aussi appelée physalis, groseille du cap,  coqueret, cerises d’automne, ou (mon préféré) amour en cage. C’est un petit fruit jaune or qui se cache dans une coque de papier. Originaire des Amériques, c’est une plante résistante qui se ressème toute seule d’année en année et a à peu près la grosseur et l’aspect d’un plant de tomate. Comme tous les petits fruits, c’est une super dose de vitamines. On retrouve quelques produits transformés la mettant en valeur comme de la confiture, des coulis ou de la liqueur. Son goût est surprenant, doux, sucré, avec des parfums d’ananas et de miel. Son utilisation principale au Québec : enjoliver les assiettes dans les restaurants! Pourquoi est-elle si peu cuisinée?

Quoi en faire?
On la mange crue : en enlevant simplement sa cage de papier. C’est une collation vitaminée et délicieuse, en salade de fruits, dans les salades repas, avec un fromage de chèvre, des fruits de mer ou des noix c’est un bon pairage.
On la cuit : en sauce avec les viandes ou volailles, comme on utiliserait des raisins. Elle se marie bien à la sauge. En compote avec des oignons pour accompagner les fromages ou les pâtés.
En dessert : dans les tartes, gâteaux, en coulis sur un gâteau au fromage, un yogourt ou une crème glacée…
On la congèle : pour mettre dans les pains et muffins pour déjeuner, dans nos cocktails à l’érable…
On la sèche : elle devient alors plus intense et goûteuse et on utilise comme des raisins secs.

Si vous en achetez fraîches, dans leur robe de papier et au frigo, elles se garderont plus d’un mois, il faut s’assurer qu’elles ne prennent pas l’humidité et ne soient pas dans un contenant hermétique, pratique et un bon dépanneur!

Oui, je sais c’est plus sympa avec une recette alors je vais être super sympa, en voici deux : une pour l’apéro et l’autre pour le souper! Les deux rapides et faciles parce que ce sont des mots clés de nos jours pour vous inciter à cuisiner!

Brie fondant au cœur d’or
Ingrédients :

  • 1 fromage brie de votre choix
  • ¾ t de cerises de terre déshabillées ;)
  • ¼ tasse de sirop d’érable ou 2 c. à soupe de miel
  • 1 c. à soupe de jus de citron
  • Optionnel : quelques noix de votre choix (noisettes, pacanes, noix de Grenoble, amandes)

·        Pain ou croûtons
Enlevez la peau sur le dessus du fromage, mettez-le dans un plat allant au four, recouvrez de papier aluminium ou d’un couvercle et enfournez à 350 F pour environ 15 minutes ou jusqu’à ce qu’il soit bien fondu. Pendant ce temps, mettez les cerises de terre, le sirop d’érable et le jus de citron dans une casserole à feu moyen et laissez frémir quelques minutes, jusqu’à ce que les cerises rendent du jus, mais ne soient pas toutes éclatées.  Étalez la préparation aux cerises de terre sur le brie, servez avec un bon pain aux noix ou des croûtons. Vous pouvez aussi servir les deux côte à côte si vous préférez. C’est aussi une super idée de faire la petite confiture et la mettre en pot pour plus tard ou simplement la remplacer par une confiture de cerises de terre d’un producteur dans votre coin. J



Jambon grillé aux cerises de terre
Qui ne connaît pas le classique jambon à l’ananas et bien j’ai décidé de localiser ce vieil acolyte en remplaçant les ananas par des cerises de terre, résultat sucré salé tout en finesse, parfait souper d’automne!
Ingrédients :

  • 2 belles grosses tranches de jambon
  • 1 c. à table de beurre
  • 1 tasse de cerises de terre fraîches ou congelées
  • 2 à 3 c. à table de cassonade
  • 1 c. à soupe de fécule de, diluée dans une peu d’eau froide
  • 1 tasse de jus de pomme ou d’eau
  • Sel et poivre au goût


Faites griller le jambon dans le beurre jusqu’à ce qu’il soit bien doré, réservez le jambon, ajoutez les cerises de terre, la cassonade et le jus ou l’eau. Laissez mijoter quelques minutes, quand les cerises commencent à éclater ajouter le mélange de fécule pour épaissir, assaisonnez à votre goût et voilà, c’est prêt à servir!

Maintenant, il n’y a plus d’excuses pour fuir la perle d’or, vous avez ce qu’il faut pour la libérer de sa cage!

Soyez donc un gourmand intelligent! ;)